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Fabien Clain, d'Alençon à Raqqa

 

 

          Alençon, commune normande de 26 000 habitants, a vu grandir Balavoine, Orelsan et Fabien Clain. La comparaison entre ces trois hommes s'arrête là. Tandis que les deux premiers sont des figures de proue de la chanson française, Clain a suivi un dessin radicalement opposé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       

 

 

 

 

               Clain, un Normand parmi les autres

 

          Né en 1978 dans une famille catholique d'origine réunionnaise, Fabien arbore sa croix et est un paroissien assidu. Il est élevé par sa mère, Marie-Rosanne, catéchiste sur la paroisse Notre Dame du pays d'Alençon. La scolarité de Fabien Clain se fait sans encombres, entre l'école Robert Desnos, et le collège de la Jamaïque à la Réunion, où la famille déménagera en 1991.

          Parmi ses trois frères et sœurs, c'est de son cadet, Jean-Michel, dont il est le plus proche. Leur relation, fusionnelle dès le plus jeune âge, s'explique notamment par leur passion commune pour le rap.

 

         Fabien Clain, de retour en métropole, entame des études de plomberie dans sa ville natale d’Alençon. A 18 ans, sa vie jusque là normale prend une autre tournure, radicale cette fois-ci.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

               Clain, catholique en quête de fondamentalisme

 

          Avec Mylène Foucre, sa compagne, ils s'intéressent de près à la question religieuse. Plus tard, lors d'un interrogatoire, son épouse confiera :  "A cette époque, nous avons lu la Bible, et nous nous sommes rendus compte que cela ne correspondait pas à la pratique des chrétiens".

           Clain n'admet pas que la lecture des textes sacrés soit modifiée pour s'adapter à une ère moderne qui ne se prêterait pas à une vision fondamentaliste de ceux-là. Très attaché à la lecture biblique, et notamment de l’Ancien testament, il y apprend que la femme se doit de couvrir sa tête. Dans l'incompréhension, Clain questionne un prêtre sur le sujet. Celui-ci lui explique qu’il faut « vivre avec son temps ».   « Fabien ne comprenait pas », confie un de ses amis.

 

         Dans cette période de doute, il rencontre un certain Mohamed Arani, qui lui conseille la lecture du Coran. Clain, curieux et passionné par la chose religieuse, accepte.
          Il est enthousiaste : « Je me suis aperçu que les musulmans s'approchaient plus des écritures de la Bible que les chrétiens eux-mêmes ». Il constate que le Coran, dans sa pratique n'a pas évolué depuis 1 400 ans et conclut : "Cela a été une évidence que cette religion était la bonne".

 

                De la conversion à la radicalisation

 

           En 2000, à 22 ans, il se convertit à l'Islam. Avec lui, sa femme Mylène, son frère Jean-Michel et sa compagne, puis sa mère, Marie-Rosanne et ses deux sœurs, tous catholiques, changent de religion. Fabien devient Omar, sa femme Mylène se fait appelée Fatima et Jean-Michel prend le nom d'Abdelwahid.

              Leur vie est désormais rythmée par l'Islam. Abandonnant, le rap qu'ils qualifient « d'impur », les deux frères s'adonnent aux chants religieux, les anasheed. Les femmes du « clan » que forme la famille Clain, portent toutes le niqab, les hommes la djellaba.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                Toulouse, un prosélyte au Mirail

 

          Suite à leur conversion, les néo-musulmans quittent leur Normandie natale pour Toulouse, où il serait "plus facile de pratiquer [la] religion". Installés dans la Ville Rose, ils ne passent pas inaperçus dans leur quartier du Mirail où leur radicalisation se poursuit.

 

          On les surnomme le « clan Belphégor »*, prosélytes à souhaits, ils sont repérés par les services de police comme des piliers du salafisme régional.

 

          Fabien Clain reste le meneur du groupe, par son allure protectrice (1m.90 pour 140 kilos) et un talent certain d'orateur, il embrigade à tour de bras à la sortie de la mosquée toulousaine de Bellefontaine. Lui et Jean-Michel vendent livres et produits religieux d'origine belge sur les marchés de la ville.

 

         En 2004, la famille Clain s'installe à Bruxelles. Fabien alias Omar fréquente les centres islamiques du pays et certaines mosquées dont celle de Molenbeek, où il tisse de nouveaux liens avec le milieu salafiste belge (Farouk Ben Abbes notamment, suspecté en 2010 de projeter un attentat au Bataclan).

 

          Doué d'un charisme reconnu de tous, il réunit jeunes de cités tous convertis par ses soins. A cette aisance naturelle, un nouvel événement vient renforcer son pouvoir d'attention chez les jeunes. En effet, pendant les émeutes de banlieues en 2005, il propose une alternative à la violence : la religion. Parmi cette jeunesse, Sabri Essid, futur jihadiste en Syrie qui embrigadera à son tour son demi-frère, un certain Mohamed Merah.

 

          Pour autant, le champ d'action d'Omar Clain, ne se restreint pas au quartier du Mirail. En effet il est considéré comme l'un des acteurs phares de la filière d'Artigat.

 

                 La filière d'Artigat

 

          Située en Ariège, cette commune isolée est le quartier général d'Olivier Corel (de son vrai nom Abdel Ilat Al-Dandachi) alias L’Émir Blanc qui monte en 1987 une communauté salafiste. Celle-ci est la clé de voûte du réseau islamiste de la région toulousaine.

Merah, Clain, Essid, tous ont fréquenté Corel et son discours radicalisé. A partir de 2006, la filière prosélyte envoie ses premières recrues au Proche-Orient, pour combattre aux côtés des groupes terroristes. Démantelée à la fin des années 2000, les responsables d'Artigat seront jugés.

           Fabien Clain est condamné à 5 ans de prison.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                  De Fleury-Mérogis à Raqqa

 

           Ayant purgé sa peine, il est libéré en 2012 et repart vivre à Alençon avec sa femme et ses trois enfants où il continue de vendre sa propagande islamique. Son passage à Fleury-Mérogis n'a en aucun cas altéré sa foi. Cette période en prison lui permet au contraire de répandre sa parole, comme en témoigneront ses gardiens.

          A Alençon, il prêche et s'adonne à une forme d'exorcisme pour les musulmans possédés par « un esprit malin ».

          En dehors de ces activités, l'aîné des Clain entretient des liens avec « la bande des garagistes » notamment composée d'Adrien Guihal, auteur de l’assassinat d’un couple de policiers à Magnanville dans les Yvelines. Le groupe compte également Thomas Mayet dans ses rangs, lui aussi ancien catholique, aux penchants « tradis », converti au contact de Clain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

            Pourtant interdit de séjour à Toulouse, il y est de retour en janvier 2015 pour s'y procurer du matériel d'enregistrement audio et vidéo.

 

            En mars 2015 accompagné de la « bande des garagistes », de sa femme Mylène et de Maryam, Adem et Nacïm, ses enfants, ils rejoignent la Syrie par l’Allemagne, l’Autriche et enfin les Balkans. Là-bas, il retrouve les anciens d'Artigat, Sabri Essid et Jean-Michel Clain qui sont également installés dans le Nord syrien, à Raqqa.
          Le 19 avril 2015, une jeune professeur de fitness, Aurélie Chatelain est assassinée . Un suspect, Sid Ahmed Ghlam, est arrêté. Cet étudiant algérien aurait été téléguidé depuis l’étranger, et aidé, dans son funeste projet, par la « bande des garagistes », et tout particulièrement par Fabien Clain.

 

           Au lendemain du 13 novembre 2015, c'est la voix de Fabien Clain qui revendiquera les attentats au nom de Daech dont il dirigerait le pôle « média et propagande ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 15 ans, le plombier alençonnais est devenu l'un des parrains du terrorisme français. A l'image du terrorisme actuel, il est l'incarnation d'un djihad moderne, qui apparaît là où on ne l'attend pas.

 

 

Thomas Galichon

Fabien Clain, de la tranquilité normande au chaos syrien

Fabien Clain en classe de CE1 à l'école Robert Desnos d'Alençon

Jean-Michel Clain, sous les armes de l'Etat Islamique

Fabien Clain en djellaba, suite à sa conversion

Olivier Corel à Artigat

(Source : photo AFP)

Enregistrement dans lequel Fabien Clain revendique les attentats du 13 novembre. En fon sonore,  son frère Jean-Michel qui chante

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